dimanche 11 janvier 2015

Je suis Charlie...et la suite?

"Un peuple qui accepte de perdre un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre et finit par perdre les deux", écrivait Benjamin Franklin.

Pendant les manifestations où se pressaient, rassemblés et fraternels, des millions de citoyens, et malgré les déclarations applaudies de Robert Badinter, les idioties "sécuritaires" ont repris du poil de la bête.
Sondage "dans le sens du poil" du "Parisien sécurisé", "une" scandaleuse de "Valeurs passéistes", et même, annonces, certes encore prudentes, de Manuel Valls et Bernard Cazeneuve...alors que le parlement vient de voter une nouvelle loi anti-terroriste: la France dispose amplement de tous les outils nécessaires après une quinzaine de lois sur le sujet depuis 1986.Plus de 12 000 personnes en France, selon un rapport de la cour des comptes, sont employées au renseignement et à la lutte contre le terrorisme, et le gouvernement vient d'annoncer de nouvelles hausses d'effectifs.

Parler aujourd'hui d'un équivalent français du Patriot Act, dont on a vue l'inefficacité lors de l'attentat de Boston et les tueries récentes en tous genres est d'autant plus indécent que ces dispositions ont largement contribué à susciter (ou renforcer) méfiances et discriminations, notamment vis-à-vis des noirs et des migrants.

On évoque aussi l'idée de déroger aux règles de l'Espace Shengen en remettant des contrôles aux frontières: fera-t-on des contrôles entre le XIXe arrondissement de Paris, d'où sont issus les tueurs fous de Charlie et du supermarché casher, et le XIème, siège de Charlie hebdo? Ils étaient en effet de chez nous, avaient fréquenté nos écoles.

Faut-il ne rien faire pour empêcher le basculement dans la violence terroriste d'une partie fût-elle minime de notre jeunesse, et dans tous les cas pour empêcher toute contagion ? Certes non . Il y a beaucoup à faire. Non pas pour moins de liberté, mais surtout pour plus de fraternité. Le coup de gueule récent de Dany Cohn-Bendit doit être enfin entendu: la réalité des politiques publiques de solidarité avec les quartiers dits "en difficulté" a souvent tenu du saupoudrage plutôt que d'une action massive.

Or, par exemple, depuis la crise financière de 2008, les subventions aux associations de terrain comme aux centres sociaux, lieux de solidarité et de construction du vivre ensemble, n'ont cessé d'être rabotées, au point de provoquer une hémorragie d'emplois dans ce secteur important, renforcé par les politiques restrictives de certaines nouvelles municipalités.

Autre aspect: Les prisons sont devenues un lieu de propagation et de recrutement des réseaux terroristes se réclamant -à tort, certes- de l'Islam . C'est un fait. L'accélération du nombre d'aumôniers musulmans, de travailleurs sociaux et d'enseignants en prison, mais aussi l'accompagnement à la sortie de prison sont essentiels: l'association Tam-Tam, à Tourcoing fait un travail exemplaire, avec le soutien du Département et de la municipalité , cette expérience doit être généralisée.

Il faut renverser la tendance d'urgence : c'est bien sûr un combat qui concerne les politiques départementales, mais aussi celle de l'Etat lui-même. Si une partie des 60 milliards de niches fiscales anti-écolo et des 60 milliards d'évasion fiscale par an étaient récupérées,  l'argent ne manquerait plus pour ces politiques de prévention indispensables.


2 commentaires:

  1. D'accord sur tous les points, mais je pense qu'il en manque un : il est temps de redonner au travail la place qui est naturellement la sienne, un devoir autant qu'un droit.
    C'est aussi la reconnaissance de l'autre, de son utilité, du lien qui nous unit dans l'effort. Il ne s'agit pas d'oublier la culture, l'instruction, la philosophie, au contraire. Mais que serait le philosophe, l'enseignant, et l'artiste s'il ne rendaient pas ce service aux autres, en enseignant, en répandant le savoir, en cultivant la beauté ?

    J'ai connu les affres de la solitude, de l'abandon, caché derrière un volet sous la masse d'une tour et de mille fenêtres. Que faisait la société, qui m'avait oublié depuis bien longtemps ? Je ne voulais pas déranger, j'avais honte d'exister. Pourquoi ai-je dû laisser au hasard le soin de s'occuper de moi ?

    Je m'en suis sorti, mais tout le monde n'a pas de la chance. Ces jeunes livrés à leur sort sont faciles à récupérer. Il suffit de leur donner un rôle à jouer, sur la grande scène de la vie. Il est d'autant plus intéressant qu'il est grandiose : gare aux désillusions !

    Ne pourrait-on pas enfin ré-affirmer l'importance d'avoir une place dans la société, une vraie, même toute petite ? Ne pourrait-on pas enfin reconnaître à chacun des talents, et une utilité ? Ne pourrait-on pas, au lieu d'allouer royalement une aumône, par dépit, sous conditions et à défaut de meilleure idée, payer dignement tout le monde pour une véritable tâche utile, fut-elle d'aider d'autres qui en ont plus besoin ?

    Un être qui travaille, qui se sert de ses mains et de son esprit a le droit d'être digne, car il accomplit son devoir envers la société. C'est dans sa nature. Il n'a alors aucune raison de la détruire, car il la construit, et elle le soutient. Je pense et j'affirme aujourd'hui que le travail n'est pas une "valeur de droite", et que l'écologie peut clarifier son importance comme raison de vivre, et fondement de la société.

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  2. Bien sûr, un travail décent et pas précarisé, ou une activité au service des autres, avec un revenu de base pour tous, c'est essentiel.
    Mais dans une société où la la discrimination suinte par toutes ses pores, où la quantité de travail est très mal partagée, trop de jeunes en sont exclus, ce qui favorise l'économie souterraine.
    Les écologistes prônent:
    - la mise en place d'un revenu de base décent,
    - la relance d'une politique de réduction négociée du temps de travail qui a été, bon gré mal gré, avec les 35 heures, la seule à avoir été efficace pour la création d'emploi dans les 20 dernières années;
    - le soutien des pouvoirs publics et de l'Europe à la transition énergétique dans les logements et les transports, puissant levier, à la fois pour créer des emplois non délocalisables, pour diminuer notre dépendance au pétrole, améliorer les comptes publics et le pouvoir d'achat des gens...

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