samedi 18 mai 2013

Une réhabilitation scandaleuse du Comité Permanent Amiante

On s'est réjoui de l'annulation par la Cour d'appel de Paris de la mise en examen de la Maire de Lille pour "homicides et blessures involontaires" dans le tragique dossier de l'amiante.

Certes, cette mise en examen était inappropriée au regard des faits:  le haut fonctionnaire du Ministère de l'emploi n'était que dans le droit fil de l'aveuglement constant de l'administration française en considérant qu'il n'y avait pas urgence à transposer dans le droit français la directive européenne de 1983 renforçant la protection des salariés contre les risques de l'Amiante.

Notez bien cela: c'était bien l'Union Européenne qui défendait la santé des travailleurs, comme elle le fit plus tard dans le cadre de la directive "Reach". A l'époque, les écologistes que nous étions se faisaient agonir par la section CGT d'Eternit parce que, paraissait-il alors, ils étaient les fossoyeurs de l'emploi.

Bien que les dangers de l'amiante aient été identifiés clairement dès les années 1890, et que, dès les années 60, de nombreuses études scientifiques confirmaient son extrême dangerosité, il faudra attendre près d'un siècle, soit les années 1980 et 1990, pour que l'utilisation de l'amiante soit interdite dans de nombreux pays, retard qui a été et sera encore la cause de la mort de dizaines de milliers de personnes.

L'usage de l'amiante n' a été interdit qu'en 1997, dans les derniers mois du gouvernement Juppé. Or, les maladies liées à l’amiante représentent aujourd’hui la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail (hors accidents du travail) ».
Il faut donc regretter que la gauche, au pouvoir de 81 à 86, puis de 88 à 93, n'ait pas été à la pointe de ce combat, et qu'elle ait été, comme la droite, jusqu'à ce qu'il ne soit plus possible de nier les évidences sur la nocivité de l'amiante, le jouet  du Comité permanent amiante (CPA), un lobby créé en 1982 par les industriels de l'amiante , dont la responsabilité, selon le tribunal "n'est pas établie".

Ce lobby organisé que l'Association Nationale DesVictimes de l'Amiante (ANDEVA) a du combattre pied à pied, est, pour ces magistrats manifestement ignorants, un organe "de recherche, d'informations à destination des entreprises" dans la "volonté d'accompagner la prévention".

Pourtant, comme l'indique le journal "Le Monde" certains membres repentis de cette structure
ont reconnu avoir été instrumentalisés. "Je considère a posteriori que nous aurions dû collectivement nous opposer à la création du CPA", écrivait ainsi M. Bignon, en juillet 1996, dans la revue Pollution atmosphérique.

Quant aux parlementaires ayant participé, en 2005, à la mission d'information du Sénat sur l'amiante ils ont décrit cette structure informelle comme "un modèle de lobbying, de communication et de manipulation a su exploiter, en l'absence de l'Etat, de pseudo-incertitudes scientifiques " et que le CPA "a joué un rôle non négligeable dans le retard de l'interdiction de (l'amiante) en France" .

Mais les magistrats de la chambre de l'instruction jugent pour leur part que ce rôle "n'est pas établi"...

Rendons hommage au travail obstiné du juge Bertella-Geoffroy, ainsi bafoué . La décision de l'ANDEVA d'aller en cassation est parfaitement justifiée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire